Couplage PAROLE/ICONOGRAPHIE: APPROCHES DES SOCIETES AGRO-PASTORALES CLID 1970-2024
LANGUES ET SOCIÉTÉS AGRO-PASTORALES , de l’Atlantique aux Pyrénées, du Massif Central aux Alpes et à la Méditerranée par Jean-Louis Fossat INTRODUCTION On mène, depuis près de 100 ans un âpre combat scientifique dans le champ des langues à statut dialectal, par étapes: du recueil de données, aux traitements et donc à l'analyse de ces données, aux fins d'interprétation des résultats Pour nous, ce combat a pour objectif de tout faire pour assurer un avenir au traitement scientifique de la diversité scientifique des langues atlantiques, pyrénéennes et méditerranéennes: cette variabilité, cruciale, fondatrice, concerne entre autres, toutes les variétés d'occitan, de gascon, de basque, de catalan, d'aragonais, mais aussi bien tous les dialectes ibéroromans, italoromans, portugais, roumains, mis en relations avec les formes de vie des sociétés agro-pastorales en mouvement, même après leur urbanisation graduelle. Il y va de la compréhension de la fonction de la "variabilité" langagière dans ses rapports avec la formation de structures stables et en relation étroite avec les formes de vie. en société,qui rendent compte à la fois des faits de frontière et des faits d'interaction entre collectifs Ce sont, en premier lieu, les anthropologues des sociétés pastorales nomades, (Irak, Moyen Orient, Océan Indien) qui nous ont appris que, de part et d'autre des mers, des Océans, et des montagnes (Pyrénées, Alpes, Népal, Himalaya, Haut-Atlas) habitaient, vivaient, et se déplaçaient, donc échangeaient avec des populations voisines adverses: toute l'histoire des conflits pour l'emprise sur les territoires de parcours pastoral trouvent là leur origine, ce que démontre l'approche historique des textes juridiques. Notre combat scientifique est couplé à une bataille pédagogique pour tenter de mieux expliquer les raisons, les fondements mêmes, historiques, sociaux, de la diversité langagière et culturelle; il ne s'agit pas seulement de décrire, de dire 'comment ça marche", mais d'explorer la problématique de la fonction même d'une telle diversité, qui est universelle; par conséquent elle n'est en aucun cas limitée aux seules langues romanes; le danger est grand de rester prisonnier de données empilées concernant un seul domaine géographique, voire une partition de ce domaine: gascon occidental, gascon oriental; languedocien occidental, central, méditerranéen; danger, mais nécessité méthodologique en même temps. Par ailleurs, dans nos applications, il ne servirait à rien de dire que le gascon est la forme la plus "atypique" de l'occitan, voire de laisser croire qu'il est par rapport à l'occitan, une langue "atypique", quand il est démontrable qu'il n'est que la forme historique prise par une langue romane qui couvrait à la fois, avec un gradient de variabilité bien établi, la Grande Aquitaine et la Provincia narbonensis dans sa totalité; il ne représente qu'un des extrêmes de l'occitan, au même titre que les parlers des confins occitans alpins de la Narbonnaise voire les parlers hybrides qu'il est convenu d'appeler "franco-provençaux" dans la Gallo-Romania, et l'Italo-Romania du Nord (Piémont occitan, Varaita, Germanasca etc.); ainsi, on ne s'étonnera pas de retrouver à Isola une configuration du vocalisme atone identique à la distribution pyrénéenne; et à St-Chély d'Apcher, tel traitement par labialisation caractéristique de la vallée d'Aure, donnée par Séguy-1973 comme sous-ensemble de gasconité maximale (ALG6, 1973, gradient de gasconité). Est-il possible d'aller plus loin, en approche de la variabilité dalectale, en relation avec la dynamique des poipulations? C'est Cremona (Cremona-date, Fossat-date), voici plus de cinquante ans, qui avait permis de démontrer les oppositions et contrastes entre le gascon aurois de la haute-vallée, et le gascon du piémont aurois (Fossat-date Cahers d'Etudes Romanes, CliD N°); la géopolitique a établi que ces oppositions reposent sur des contraintes économiques, historiques et politiques (Lacoste-Engels-2016) C'est pourquoi notre analyse de la variabilité langagière rejoint les analyses historiques, sociologiques et politiques de Bruno-Besche-Commmenge (Besche-Commenge-2016, et 2024 sous presse). Par ailleurs, concernant la seule variablité langagière, il a toujours été essentiel, pour nous, de donner à d'autres, plus jeunes, le goût, l'envie de faire non la même chose, mais de faire autrement et mieux, avec des méthodes innovantes. C'est ainsi que Jean Séguy (Séguy-1973) a fait mieux que l'abbé Lalanne (Lalanne-1950); et que Dennis Philps a pu valider (Philps-1985) les résultats de Jean Séguy (Séguy 1973), le prédécesseur.
1 Agents et Universitas L’intitulé de la question porte en lui-même les marques d’une double approche complémentaire ; approche historique et sociale prioritaire d’une part, approche linguistique d’autre part ; le premier résultat tangible de ce type d’approche réside dans lapriorité accordée à la parole, par opposition à l’approche strictement lexicographique des prédécesseurs ; par exemple Lanly (Lanly-1962), lexique agro-pastoral d’Ussel ; lexique pastoral pyrénéen (G. Rohlfs, Schmidt); par rapport à ce type de données, strictement lexicographique, qui empile le vocabulaire en le chassant par rapport aux choses mêmes,,l’objectif visé explique la dominance des récits, dialogues, conversations, échanges verbaux débridés, scènes de théâtre comique dignes d’Aristophane et de Plaute, ce qui est logique, puisque les sujets ne sont pas considérés en tant que locuteurs, mais en tant qu’agents, par rapport aux institutions, par rapport à leur place/statut dans une société restreinte appelée UNIVERSITAS dans les textes juridiques anciens, on dit aussi communauté villageoise, pour peu que l’on soit ethnographe ou historien ethnographe, voire géographe ethnographe des populations agro-pastorales . 2 FORMES DE VIE AGRO-PASTORALE ET FORMES DE LA PAROLE C'est Christiane Rendu qui a le mieux fixé l’image des conditions de travail du chercheur en Sciences Sociales, qu’il soit historien, linguiste, ethnographe, ethnologue, voire anthropologue ; ce sont des histoires de parcours contraints, donc de bacs , ubacs, solanes du Capcir, de la Cerdagne, ventendues et vues de l’œil de la Cerdagne ; des histoires de manyacs en estive sur les pletas de Llivia ou de Marquixanes ; des histoires de troupeaux, d'escabots, vacadas ou motoadas de Llivia au valll de Boí, d'Andorra à Irati, Larrau, mais aussi histoire de la relation persosnnelle de l’éleveur à chacune de ses bêtes, des histoires de parcours régi par le droit , histoire d’orris, de baixants et de solanes: pigalla était le nom donné ici à un manyac, bélier castré, engraissé pour la boucherie :peta, pigalla, que la solana es nostra. (C. Rendu Traditions Peta pigalla, que la solana es nostra ! dans La Voie Domitienne N°29/30 juin 1998 pp. 108-110). Certes nous sommes ici loin de Schmidt-1931, de G. Rohlfs, et encore plus de Joan Coromines, de Wartburg, mais pour mieux comprendre les enjeux de leur approche, il est toujours utile d’y revenir, en contraste ; solana et ubac , non ? ces hommes à qui nous sommes fondamentalement "fidèles" à jamais sont non seulement les "maîtres de l’herbe", ils connaissent les envies des brebis, ils ont le goût des brebis ; mais, de surcroît ils on le goût de la langue, le goût des mots de langue, qu’il s’agisse de travail ou de bons mots , pour rire. Leur rôle a été essentiel non seulement dans la transmission de ce queles linguistes appellent la langue aujourdhui, autrefois les patois de France du temps de l’abbé Grégoire et de Jules Ferry, du temps d’Elysée Reclus aussi, mais c’est eux qui ont joué un rôle majeur dans la formation et l’évolution de la langue, de Sumer à nos jours ; il nous faudra rappeler ici le texte des inscriptions de Sumer qui éclaire la question des relation du berger au fermier, au propriétaire de troupeaux, autant que la question des organisations juridiques des pacages, des montagnes, on fera ici appel aux récits d’Isore Farré, le berger transhumant andorran, fixé à Chalabre, où ses fis sont devenus de grands propriétaires terriens, éleveurs de vaches de race gasconne. Non seulement ils savent où est la meilleure herbe, mais les brebis le savent encore mieux qu’eux ; elles ont aussi un savoir comme eux ; elles connaissent la montagne, comme eux voire mieux qu'eux; elle sont familiarisées à la parole, donc à la langue employée à la montagne comme en bas, l'hiver, dans les parcours d'hivernage et les brebis; bergers comme fermiers ont des idées sur ces "petits mondes" dans lesquels ils savent travailler, parce qu'ils ont appris, depuis leur jeunesse, en qualité d'apprenti, de rabadan, à travailler en pensant à ce qu'ils font, en pensant à organiser leur travail.
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