PATRiCK SAUZET OBSERVATIONS PHONOLOGIQUEs + compléments concernant la phonologie du gascon par JL FOSSAT Jòi negre : structure syllabique et évolutions phonologiques en occitan Pour comprendre les évolutions phonologiques et en reconstruire les étapes, les suggestions sont tout aussi bienvenues que les contraintes. C’est, en général, la double contribution attendue de la grammaire universelle à la linguistique historique. Bien qu’il n’y ait pas de théorie de la syllabe incontestée (l’objet même de syllabe ne fait pas l’unanimité), les essais de typologie fondée sur des principes de cette classe de faits fournissent stimulations et limitations à l’analyse. Les contraintes ou les possibilités de la structure syllabique peuvent éclairer des formes traitées, faute de mieux, comme des emprunts ou des formes savantes. C’est le cas typiquement pour deux formes occitanes célèbres, mais dont on montrera qu’elles ne sont pas isolées : - jòi < GAUDIUM qui présente une réduction « oïlique » de AU latin qui a pu être mise au compte de l’emprunt ou de l’interférence. En fait, la monophtongaison peut être imputée à la structure syllabique : AU latin conservé en occitan occupe deux positions en rime. Dans les parlers où –DI- intervocalique aboutit à [j] il y a clairement concurrence de ce [j] et de [w] pour la position coda. La monophtongaison [dZOj] est une résolution du conflit. Des formes du type gai correspondent à une autre stratégie de réparation (effacement). En revanche, les parlers qui traitent –DI- en affriquée n’ont pas de réduction (gaug), sauf bien sûr s’ils présentent la réduction généralisée (catalan goig [gOtS]). - negre < NIGRU présente une conservation réputée savante du –g- intervocalique. On sait qu’à côté de negre, negra l’occitan présente des formes de type nier, nièira et que nièira est largement conservé au sens de « puce ». En toponymie, les Ròca(s) Nièira(s) ne sont pas rares, mais on trouve plutôt des Puèg(es) Negre(s). On peut donc penser que negre serait régulier au masculin et nièira au féminin. Au moins que cela a pu être le cas dans une part du domaine d’oc. Si l’on pose que le développement de NIGRU à negre passe par une étape comportant r syllabique, l’asymétrie s’explique : dans negre < [ne.g9r] g est conservé devant r syllabique comme il peut l’être en position intervocalique (cf. nèga < NEGAT, castiga < CASTIGAT). Au féminin, g est vocalisé devant r. L’hétéroclise negre, nièira est ensuite résolue (pour l’adjectif) en negre, negra, éventuellement en nièr, nièira. D’autres exemples peuvent appuyer chacune des ces propositions. Si cette analyse peut être retenue, elle plaide pour la cause assez largement entendue aujourd’hui de la pertinence phonologique de la syllabe. Elle ne plaide pas pour une approche particulière de la structure syllabique ou de ce qui en tient lieu. Toute théorie doit rendre compte de limitations pesant sur la rime et de l’existence éventuelle de sonnantes syllabiques dans une langue. Moins consensuellement, ce type de données plaide pour une classe d’approches où la syllabation est construite et non donnée. Les déplacements de limite syllabique ([ni.gra] (ni.Gra]) → [neG.ra]) et les divergences de structure syllabique entre formes apparentées ([ne.Gr] / [neG.ra] ou trivialement en occ. mod. car, cara (ou moins trivialement occ.mod. cev. [dew.r'O] [der.j'E], deurà, deuriá) s’éclairent bien plus naturellement si (quelle que soit la saillance perceptive des structures syllabiques), la syllabation reste induite de la substance segmentale. Les sonnantes syllabiques, si elles peuvent fonctionner comme des voyelles (c'est-à-dire déterminer de l’intervocalicité) dans une étape diachronique, ne sont pas des effets superficiels mais l’indice que le statut de noyau n’est pas donné selon une partition substantielle préétablie, mais construit. Plutôt que de ne voir dans la syllabicité des sonnantes qu’un effet superficiel (réduction d’une séquence schwa + sonnante par exemple), on pourra poser, à l’inverse, que dans une synchronie qui ignore les sonnantes syllabiques, il peut être pertinent de poser leur existence à un niveau plus abstrait. En posant /r/ syllabique en occitan, on peut rendre compte assez élégamment de la morphologie de l’infinitif : kanta + r → kan.t'ar → [kant'a] cantar bat + r → b'a.t9r → [b'atre] batre najs + r → naj.s9r → naj.ser → [naj.se] nàisser On peut aussi dans cette perspective décrire la variation dialectale dans la formation de l’infinitif en occitan : - dire / díser - plòure / plàver - batre / bàter Par la même hypothèse, on explique que les séquences Obstruente+Liquide finales sont toujours traitées par épenthèse et non par troncation en occitan. On décrit aussi plus naturellement l’interaction d’-r d’infinitif avec les consonnes latentes en français, où /r/ d’infinitif produit le même effet que /ê/: - /ba<t>/ → [ba] « bats ! » - /ba<t><s>/ → [ba] « tu bats ! » - /ba<t><r>/ [bat] ~ [batr] « battre » - /ba<t><ê>/ [bat] « battre » Si l’on pose que des sonnantes syllabiques ont pu exister dans une phase de développement du galloroman et qu’elles jouent encore un rôle dans la syllabation abstraite des variétés galloromanes, on suppose une plasticité de statut syllabique qui aurait dû valoir aussi pour les vocoïdes hautes. De fait, cette plasticité peut expliquer des formes comme òrdi, òli ou les variantes –ari de –ARIUS rencontrées en occitan. Mais cette plasticité ne s’applique pas à GAUDIUM, et on n’a pas d’attestation de *gavi ou *javi à côté de gai et jòi. Tout se passe comme si AU latin avait perdu sa capacité à former un noyau, sans pour autant que son second élément puisse d’emblée former une attaque. On peut comparer ce statut (par lequel U lexical doit être effacé ou incorporé au noyau s’il n’est pas réalisé en coda) aux alternances – ièr, ièira [jEjrO] en occitan moderne où la réalisation de la semi-voyelle postnucléaire est conditionnée par la disponibilité d’une position de coda. Si cette analyse est correcte, elle atteste diachroniquement des configurations où la projection linéaire des formes sous-jacente n’est pas triviale. Elle plaide donc pour l’existence et la définition d’un état abstrait du contenu phonique des morphèmes moins organisé qu’un état syllabé ou présyllabé (linéarisé), sans être amorphe pour autant.
Notes JL Fossat au 17 mai 2021-05-17
1° variableGR en gascon: destruction de /r./ 2° variable de lablialisation en gascon landais: bloc térritorial GRANDE-LANDE E MARENSIN solution /œ/ solution/y/ 3 solutions gasconnes du traitement de_ariu: destruction de /j/; tous morphèmes en ariu/-aria VOIR l'application DICTIONNAIRES sur sites ERCVOX.free.fr et occiton.free.fr 4° répon,dait gascon et aragonais de joi; goi : rejet de toute si=olution palatale en attaque: que'm hèi gòi de'vs ac arredíser
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